Des couleurs tombées du ciel

Yves Charnay

Œuvre réalisée dans la chapelle baroque de l’École de Musique d’Apt-en-Provence. avec la participation de la Mairie d’Apt, du département du Vaucluse et de la Région Provence, Alpes, Cote d’Azur. Coordination Okhra. 2000.


Technique :
10 dispositif de plus ou moins 6m2, constitué de lamelles supportés par des structures construites dans les 10 espaces vides des baies situées au dessus des bas-cotés, illuminant : le soleil, un éclairage bleu sous les voûtes de bas-coté, 7 pupitres de musiciens, situés dans le chœur, portant 7 miroirs.

 

« Un rêve de musique colorée sur une partition de lumière »


Un procédé
Des couleurs tombées du ciel est le titre d’une création environnementale utilisant un dispositif lumineux original « la coloration par transmission ». Les œuvres réalisées selon ce procédé sont disposées devant une source lumineuse, le soleil en général ou des sources de lumière artificielles. Dans des édifices traditionnels ils sont installés dans des ouvertures comme un vitrail.

Réflexions
La coloration est produite par réflexion diffuse sur la face intérieure du dispositif qui elle, est chromatiquement neutre.
Une singularité du dispositif est que le mélange des couleurs est additif alors que la lumière ne provient que d'une seule source.
L’organisation chromatique est choisie pour obtenir des teintes inusitées.
Les conditions météorologiques et le moment de la journée apporte des variations à l’éclat des couleurs.
Les matériaux utilisés peuvent être le bois, le métal et même la pierre qui prennent tout à coup une apparence de légèreté et de translucidité qui donnent à l’édifice un aspect immatériel.
L'installation participe à l’expression de l'architecture.

Un site
Le site : une chapelle baroque devenue la salle de concert de l’École de Musique de la ville d’Apt-en-Provence. La transformation de la chapelle en salle de concert inspire l’idée de l’installation. Dans le vide de la chapelle, sur les murs nus, la lumière réfléchit l’écho chromatique d’un passé baroque prestigieux.
Autrefois enchâssée dans l’hôtel Dieu, la chapelle apparaissait comme une île calme dans un océan de douleur. Les râles de souffrance, les cris de désespoir qui emportaient les malades dans leurs tragiques destins se sont tus. Aux plaintes et gémissements succèdent des trilles de voix neuves au timbre incertain. Religieuses et médecins ont cédé la place aux professeurs et aux chefs d’orchestres. Aux cantiques succèdent une diversité de musiques qui sonnent d’abord hésitantes puis affirmées, portée par l’éclat des trompettes, le son chaud des clarinettes ou la rumeur des violoncelles. Récompense suprême donnée à ceux qui s’accordent ensemble, le temps d’un concert, d’exprimer l’harmonie retrouvée.

Éclat
Les couleurs nous renvoient l’écho de chœurs disparus, d’harmonies ultimes et aussi la résonance de toutes les voix, de tous ces instruments de musique qui, depuis des siècles, ont formé notre goût. Le silence des murs nus qui suit le vacarme baroque est encore secrètement imprégné de son éclat.

Une expression
Des couleurs tombées du ciel joue avec l’espace vide de la chapelle pour modeler en reflets colorés la lumière qui la baigne. Discrète ou intense, la lumière réfléchit sur le plafond et les murs une multitude de nuances enveloppantes et diffuses qui habillent l’édifice en teintes de velours.
Dans la lumière propre à chaque saison, le soleil-scénographe théâtralise l’espace. Le cycle des variations journalières du soleil détermine la qualité de la lumière. L’intensité de l’illumination est modulée par les flux nuageux et autres caprices atmosphériques. L’édifice baroque, médium entre les hommes et le cosmos, joue la partition météorologique où sont transcrits les états d’âme de notre astre. Alors la voûte l’édifice, en résonance avec la voûte céleste, accorde ses tons avec ceux du soleil.

Une esthétique
La lumière baroque est multiple : rayonnante ou diffuse, légère et dorée ou insistante et froide. Parfois éclatants et directs comme des faisceaux de projecteur de théâtre, les rayons du soleil où scintillent des poussières dorées, percent à travers les ouvertures d’un dôme. Ou bien, comme diffractée par les aspérités de l’architecture, la lumière rebondit en cascade sur les parois en les éclaboussant de couleurs. Sur les plafonds et les murs des édifices baroques, souvent, Dieu, les saints, des hommes et des anges s’interpellent au milieu d’une proliférante végétation minérale. Le souvenir de ces figures disparues veille encore sur l'univers radieux de leurs origines.